Opération commando
Puisque l’humeur du monde est à la guerre, moi aussi je lance mon opération spéciale commando. Mon ennemie n’est ni cruelle, ni impérialiste, ni terroriste, ni même jusqu’au-boutiste. Non, rien de tout cela, mais la situation mérite quand même une réponse forte, coordonnée, radicale.
Tout commence légèrement. C’est l’été d’août, les vacances (j’y tiens encore au mot vacances), la soirée est calme et chaude. Dans la maison, tout est ouvert à la brise nocturne, le plateau écran avalé, la série entamée. C’est donc l’heure de ma tisane d’ortie (tout sourire de moquerie est inutile, l’ortie est une plante utile à la santé du corps). J’entre dans la cuisine. Stupéfaction ! Sidération ! Là, tout près du seau à compost ouvert (une erreur ?), l’ennemie trottine, les oreilles rondes dressées au-dessus de son crâne frêle, la queue glissant sur le carrelage, le dos arrondi, grise comme une souris. Aaaaahhhh ! Une souris ! Comment est-ce possible ? Ma maison est saine sans fissures, carrelée, urbaine, exempte de visiteurs inattendus depuis son acquisition déjà bien datée …
J’enclenche immédiatement l’opération commando.
Jour 1 :
On se jauge, moi debout, elle à quatre pattes à côté du seau. Ou plutôt, je la jauge ainsi que la situation, inédite. La sidération me cloue d’abord au sol. La sale petite bête en profite pour se carapater sous l’étagère à vaisselle. J’attrape stupidement les gants de cuisson pour tenter une première capture. Je me vautre sur le carrelage, tente un bras sous l’étagère. Elle me fixe de ses petits yeux ronds et déguerpit en face, derrière la cuisinière.
Échec de la capture, c’est provisoirement mort. Je ferme la fenêtre, la porte de la prison et fonce à l’ordinateur. Clic ! Clic ! Clic ! Moteur de recherche : comment se débarrasser des souris rapidement.
Je consulte, je m’instruis, je calcule, je planifie. J’ai le choix. La plaque collante, la tapette, le piège à cage, le poison. J’ai envie d’opter pour la radicalité mais mes convictions morales et philosophiques (sic ..) me tâtent le cerveau, me raisonnent, me tancent même. Je fais un tour numérique sur le site que tout le monde déteste mais que beaucoup utilisent (comme un Géo Trouvetout, une caverne d’Ali baba à livraison ultra rapide …). Je me concentre sur les avis concernant la plaque à coller les muridés et je comprends mieux pourquoi les publicités ne montrent que des souris dessinées. La lecture est édifiante, c’est absolument immonde et je m’étonne même que L214 n’ait pas encore plastiqué les commerces qui en vendent … La tapette, radicale et écologique. La cage, morale et écologique (option). Le poison, rédhibitoire.
J’entrouvre régulièrement la porte. Rien. J’ai un problème, demain c’est rando avec Corinne. Contretemps opérationnel.
Jour 2 :
Comme une idiote, j’ai potassé en long et en large le sujet de la suppression du problème. J’ai éludé les chapitres sur le mode de vie de la rongeuse. J’ouvre la porte de la cage géante. Tout semble normal, à priori. L’adversaire est invisible. Je scrute le sol et je les découvre, près du radiateur, le long du mur, près du panier de noix. Les grains de riz qui, attention !, n’en sont pas. Même format, mais ni blancs, ni rouges. Les traces visibles de l’envahissement de MON territoire ! Les crottes. Je fais un tour d’inspection et découvre, avec colère, que des prunes de la corbeille à fruits ont été grignotées. Aux abris ! Fruits, noix, arachides, sacs, panier, … au froid ou hors de la ligne de front. Je referme précautionneusement la porte et quitte provisoirement le champ de bataille bien rangé.
Jour 3 :
Assise au volant de la Mini, stationnée devant le supermarché de mon coin, combative, rassurée, soulagée, je jette un coup d’œil appuyé à mon siège passager. Y trônent un piège à souris vivante (re-sic) et deux tapettes.
Retour au bercail et au cadre de l’Opération commando.
La porte de cuisine s’ouvre sur le silence et l’absence de traces suspectes. Quid de la nuisible ? Lancement de l’offensive ! Je déplace la cuisinière. Aïe ! comme une Bérézina domestique mais pas de museau en vue. Aspiration ! Tiens, des grains de riz qui n’en sont pas dans le tiroir à poêles. Lessivage ! Tiens, deux coques de noix vides derrière l’appareil. Madame PROPRE, la tornade blanche, c’est moi ! Tiens, deux oreilles qui tentent une sortie puis disparaissent. J’ai lu que la souris était un animal intelligent et malin, mais non ! 20 g sur pattes ne vont pas me la raconter.
Option 1 : le piège à souris vivante, comme son nom l’indique, ludique, écologique, bucolique presque … Mode d’emploi. Préparation. Appât : noix enrobée de beurre de cacahuètes, c’est bien ça.
Piège opérationnel. Champ d’opération claquemuré.
Jour 4 :
RIEN ! NADA ! 20 g, quoi ! Je m’impatiente …
Jour 5 :
La porte s’ouvre sur ma libération et la réussite totale de l’opération spéciale (Poutine ne peut plus guère en dire autant …) ! Affirmatif ma capitaine ! Dans le piège, la souris repue mais vaincue. Je respire. J’aère. J’envoie des SMS avec photo à l’appui. Je jubile. Je sautille et esquisse quelques pas de danse Disco (la jeunesse perdue, toujours au coin de la mémoire …).
J’enfile mes chaussures de rando, attrape le piège et son contenu, le glisse dans une poche plastique puis dans mon sac à dos. Balade libératrice dans la campagne buxerolloise.
Non, mais ! 20g, quoi !

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2 semaines
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