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Go to Namibia

Dimanche 23 novembre, lundi 24 novembre 2025.

J’y suis. Dans le bercement spécifique du train qui file vers l’ailleurs, alors que je regarde défiler le paysage gris depuis la fenêtre du TGV, j’y suis. Direction aéroport CDG, terminal 2.

Suis-je enfin entrée dans l’esprit du voyage ?

J’ai quitté le « Heimat » en mode automate, sac sur le dos, valise à roulettes à la main, seule dans ma rue vidée de ses âmes. Sous l’arrêt de bus, dans l’automne glacial et pluvieux, j’ai attendu, concentrée sur le froid et l’humidité extérieurs qui invitent plutôt à flemmarder sous un plaid, le vert d’un thé matcha en cible gustative.

Oui, j’y suis, sur les rails du départ. Je regarde la pluie dessiner d’étranges lignes mouillées horizontales sur la vitre du wagon. Derrière ces lignes, la brume de novembre, les champs, les arbres dénudés, les rubans d’asphalte semblant suivre le train, les phares allumés de petits jouets qui sont des automobiles. J’ai une pensée pour la Mini qui attend sagement chez le carrossier … Deux contrôleurs, blancs, passent dans le wagon, un homme, noir, ramasse les déchets, pensées furtives …

Derrière moi, un bruit de bouche insupportable, sans doute un géronte sénile (ceci n’est pas un pléonasme) qui ne contrôle plus sa langue, à moins qu’il ne soit en train de mâcher grossièrement un chewing-gum façon Néandertal son os à moelle …

A l’approche de l’aéroport, le train ralentit, les gouttes ont repris leur course originelle verticale et je me retrouve devant une fenêtre à barreaux transparents

24 heures plus tard, correspondances comprises, me voilà dans un 4×4, sur un parking de Windhoek, à proximité d’un craft market que je n’aurai donc pas le temps de visiter. Mes six compagnons de voyage m’attendaient, une depuis la veille, le Club des Cinq (membres d’une famille), depuis le matin. Ce décalage me contrarie car je pensais que nous arrivions tous par les deux mêmes vols pour un départ plus fluide. Raté. Il était donc inutile de scruter tous les voyageurs à la recherche d’hypothétiques groupes de cinq … Après de rapides présentations qui ne me permettent pas d’établir les liens de parenté du Club, je me retrouve assise tout à l’arrière du véhicule, je me pense punie d’être arrivée la dernière, mon voisin de banquette ne semble guère perturbé de ne pouvoir regarder la route, son calme olympien intrigue ma nervosité habituelle. Nous roulons, on m’explique les liens familiaux, mon voisin, que j’observe régulièrement à la dérobée, est donc frère et fils. Sur la banquette devant la nôtre, Papou et Mamou (diminutifs affectueux donnés par notre guide), 91 et 87 ans. Encore devant, le second fils et sa compagne. A la place du mort, la septième comparse de voyage. Je jauge intérieurement, j’évalue mes chances de cohabitation avec cette micro société provisoire, c’est que je n’ai pas l’habitude de voyager en groupe, y compris restreint. Je ressens du stress post-atterrissage en arrière plan de mon pauvre cerveau échauffé. 300 km d’un peu d’asphalte et de beaucoup de pistes brûlantes à avaler. J’étouffe, le soleil plein ouest tape sur les vitres de gauche dont la mienne, évidemment. Au terme du trajet, je me serai ainsi convertie en adepte du voile intégral de survie. J’ai troqué le pantalon contre le short, vert printemps, acte futile dans l’ardente chaleur namibienne. Au loin, les lourds nuages noirs annonciateurs des pluies de l’été austral surplombent l’horizon. Sous mon étole parasol, tout en suffoquant de chaleur, j’ai une envie soudaine d’assassiner tout ce petit monde qui semble insensible à mon infortune. J’entrevois la suite du voyage comme une litanie de désagréments inhérents au groupe. Le circuit me prouvera que je me trompais totalement.

Stop brutal au bord de la piste. Papou s’étouffe, littéralement. Il a avalé sa gorgée d’eau de travers. Il est vrai que boire dans les cahots de la piste africaine n’est pas un exercice des plus simples. Chacun retient son souffle, l’assoiffé cramoisi crache ses poumons, déjà fragilisés par une mauvaise toux. Un des garçons ouvre sa portière pour lui donner de l’air, un euphémisme en cette saison des pluies, caniculaire, puis finit par le sortir de la voiture. Va-t-on passer de sept à six en une gorgée d’eau tiède ? Je pense aux gigantesques dunes du Namib, j’imagine déjà notre malheureux voyageur y laissant sa peau, façon cuir oryx. Mais finalement, l’épisode santé prend provisoirement fin dans un horrible raclement en écho. L’aventure touristique n’a pas encore totalement commencé qu’elle prend déjà des allures d’épopée sanitaire.

Being in Namibia !

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Le voyage

2025-11-18

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