Jeudi 16 octobre 2025.

Pamela. Jeune, belle, radieuse milanaise, longs cheveux ondulés aux mèches, blond soleil, regard châtaigne mûre, sourire mannequin, taille élancée. Femme. Croqueuse de vie. Assassinée.

Inès. Jeune poitevine au sourire timide, résolue à la liberté, investie, généreuse, inquiète aussi. Aidante abandonnée. A la recherche vaine de protection. Assassinée.

Véronique. Cinquantenaire, poitevine aussi. Sans visage public ; regard intime, secret. Déterminée au futur émancipé. Lucide. Suivie, traquée, apeurée. Assassinée.

Je scrute la carte d’une France piquée d’épingles, rouges sang, mais ce n’est pas la France du voyage, ni de la géographie, ni de la découverte, ni même de la gourmandise, c’est la France 2025 des féminicides. Une monstruosité inconnue du masculin.

Amandine et Nina. La mère. La fille. Regards complices. Éclats de rires de joie familiale. Main enfantine dans la main maternelle tendre. Jeux partagés. Promenades ensoleillées. Cocon doux mais fragile. Assassinées.

Tatiana. Du bord de mer breton. Mère. Avide du calme à vivre encore. Soupçonneuse, aussi. Résolue à faire taire la rancœur égoïste. Harcelée. Assassinée.

Mélanie. Trentenaire au doux et fin visage. Larges lunettes sur le nez. Boucles d’oreilles rondes, rondes comme la terre, l’orange, la lune pleine, le ventre de la mère qui advient, le yin et le yang symbiotiques. Rondes. Étranglée.

Je découvre les collectifs de guerrières de la paix conjugale, d’amazones du féminisme réaffirmé, de pourfendeuses des relents du patriarcat tenace, rance, obsolète, de matheuses des comptes funestes. Mesdames, admiration.

Ludivine. Dite « Lulu ». Quarante ans. « La fille de La Rochelle ». La Rochelle, Porte océane, invite à la voile, à l’aventure marine, aux requins sous verre, et pas. Taille liée au piège morbide, un pourtant si joli mois de mai. Calcinée.

Marie-Françoise. D’Aubagne. Ah ! Aubagne. Évocation romanesque de Fanny, de Marius, de Marcel, de gloire d’un père, de dictées redoutées. Aubagne, Marie-Françoise. Marie-Françoise, Aubagne. Disparue. Assassinée.

Je compte avec les amazones. Compteuses de chair et de voix. Elles comptent les féminicides par compagnons ou Ex. Ex, ça commence comme exécrable … Je compte avec elles. 73 ! Compagnon, camarade, ami, partenaire, alter ego, « celui qui partage les occupations, les aventures, le sort d’une autre personne (CNRTL) ».

Isabelle. Isabelle du 13 octobre. 13, le nombre de la musique inaudible, d’un prof seul, des larmes, des cris, de l’incompréhension absolue, de l’effroi, de la mort, des tueries abominables. Isabelle, la dernière de la liste interdite, qu’on souhaiterait, définitivement close. Poignardée.

Lydie, Sophie, Fatima, Marie-Madeleine, Nelly, Simone, Maria, Nathalie, Rim, Capucine, Gilberte, Adeline, Maeva, … , …, …

Des prénoms pour une liste. La liste des poings violents, des mains trop serrées, des acharnements rageurs, de la jalousie folle, des armes mortelles, des découpages assassins, de la colère d’hommes devenus bêtes furieuses.

Des prénoms pour épitaphe.