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Adieu l’ami !

Évidemment, il n’allait pas, en plus, être éternel. Icône absolue du cinéma français, aux prises de positions publiques parfois contestées, Alain Delon est mort.

Bye Bye ! Lino, Jean-Paul, Romy, Simone, Yves, Michel, Philippe, Mireille, Jacques, Jean, Jeanne, Patrick, Claude, et les autres … Aïe ! Catherine, Brigitte, et les autres, le temps passe si cruellement vite, tel le rouleau compresseur immuable de destins, admirables ou viles, grandioses ou modestes, célébrés ou obscurs.

Voilà ! C’est fait ! Toutes les idoles du cinéma de mes parents sont mortes. Toutes. Ou presque.

Cela recommence ! La midinette, assise devant son écran d’ordinateur, pleurniche. Je pleurniche, non pas la mort d’un acteur, fut-il iconique, non, je pleure ce monde dans lequel ont vécu mes parents, ce monde perdu, dont la mémoire s’efface inexorablement, avec la disparition de tous ses témoins, fictifs ou réels. Regarder et écouter Alain Delon vivant, c’était embrasser, une fois encore, l’univers cinématographique parental. M’asseoir, à nouveau, avec mon père et ma mère devant le poste de télévision, partager, depuis le canapé, l’émotion renouvelée du cinéma sur petit écran, et d’abord, au cours de mes années d’enfance, en noir et blanc, oui, en noir et blanc. Se passionner, en pensée, par film du dimanche soir interposé, pour les vedettes (expression datée s’il en est), vivre leurs drames de fiction, frissonner délicieusement de peur pour un héros en danger, sursauter au bruit d’une balle tirée froidement par l’homme à l’imperméable et au chapeau Borsalino.

Mes parents sont morts encore jeunes. Ils n’auront donc pas connu la débâcle d’une vieillesse qui s’affaisse, bredouille sur sa mémoire, s’encrasse, perd la vue et perd de vue, s’insinue à pas résolus, contre notre gré, contre notre farouche volonté de rester du côté du lisse, du beau, du tendre, du vigoureux, de l’agile, du vif, de l’irréfléchi, aussi. Enfin, pas tout à fait, ma mère ayant, de son côté et sans nous demander notre avis, choisi de sombrer depuis beaucoup plus longtemps dans un naufrage intime décisif, bien avant de quitter définitivement la scène du petit théâtre familial.

Alain Delon. Icône française du XXe siècle. L’homme qui ne souriait pas. Oeil bleu, acier coupant, comme quasi carnassier, sourcils interrogateurs ou réprobateurs, au choix, mâchoire dure, bouche fermée aux rictus dédaigneux ou ironiques, cheveux courts noir corbeau, nez droit, pommettes saillantes, régularité absolue du visage. Beauté parfaite pour qui l’aime ténébreuse, glacée, glaçante. Comme trop.

Delon aura ainsi, au cours de sa prolifique carrière cinématographique, beaucoup assassiné, buté, descendu, éliminé. Beaucoup séduit également. Aimé. Boxé. Conduit des DS. Piloté. Braqué. Truandé. Fraudé. Fait la guerre. Bourlingué. Partagé des amitiés viriles. Nagé. Soigné. Administré des traitements. Résisté. Joué. Pris des substances illicites. Bu. Fliqué. Enquêté. Trahi. Chevauché. Analysé. Planifié. Pris la tangente.

Le 18 août 2024, en pleine nuit et en catimini, pris la tangente, pour de vrai.

Adieu l’ami !

Opération commando

2024-08-28

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